Stephanie Gill porte une blouse chirurgicale, ses mains sont dans les bras parce qu'elle vient de les laver

Stephanie Gill, résidente en obstétrique et gynécologie à l’Université Memorial

Q : Dans ta lettre, tu mentionnes que tu travailles sur deux projets – une démonstration de faisabilité de la chimiohyperthermie intrapéritonéale (ou CHIP) et la prise de contraceptifs oraux pour les femmes atteintes d’un syndrome de Lynch connu. Peux-tu nous parler un peu de chacun de ces projets et de ce qui t’intéresse le plus à leur sujet?

Stephanie Gill : Dans le cadre du projet CHIP, je travaille avec un autre résident en chirurgie générale qui fera une formation complémentaire en oncologie chirurgicale l’année prochaine, alors que je ferai moi-même une formation complémentaire en gynéco-oncologie. On essaie de démontrer la faisabilité de CHIP à Terre-Neuve. CHIP est un type de traitement qui peut être offert aux patientes atteintes du cancer de l’ovaire, et les patientes à qui on l’offre sont triées sur le volet. Je sais que tous les centres au Canada ne l’offrent pas nécessairement à toutes les patientes. Il faut respecter des critères assez rigoureux pour pouvoir l’offrir, mais en raison des caractéristiques de la population de Terre-Neuve et de sa situation éloignée, entre autres parce que c’est une île et que beaucoup de gens habitent en région rurale, on a voulu évaluer la faisabilité de ce type de traitement ici. Pour y arriver, on s’est intéressé à toutes les patientes qui auraient pu être admissibles à ce traitement pendant un an, puis on a regardé si elles avaient reçu de la chimiothérapie après l’intervention chirurgicale ou si elles avaient reçu de la chimiothérapie intrapéritonéale en plus de la chimiothérapie intraveineuse.

[À Terre-Neuve] on peut obtenir un cathéter et recevoir de la chimiothérapie intrapéritonéale seulement si on habite à St. John’s, la grande ville, et puisque plus de 50 % des participantes de l’étude n’habitent pas en ville, elles ont reçu seulement de la chimiothérapie intraveineuse. On essaie donc de prouver que cette approche pourrait fonctionner ici. Si on avait assez de patientes et de ressources, ça pourrait améliorer la survie de certaines personnes. Parce qu’elles pourraient recevoir de la chimiothérapie au moment de l’intervention chirurgicale et qu’elles n’auraient donc pas besoin d’un cathéter pour la chimiothérapie intrapéritonéale.

C’est un projet vraiment intéressant parce qu’il est très pertinent pour notre population et qu’il pourrait améliorer le taux de survie des patientes et leur permettre de finir leurs jours dans leur communauté rurale par la suite, en sachant qu’elles ont reçu un bon traitement, un traitement qui respecte la norme de soin.

 

Ce qui est intéressant, c’est que c’est particulièrement pertinent pour notre population par rapport à celle d’autres régions du Canada où il y a un meilleur accès aux grands centres, et que ça pourrait améliorer la survie de certaines patientes.

Q : Tu as mentionné que le fait de recevoir cette bourse par le passé t’a aidée à couvrir les dépenses associées à ton stage à l’Université de Toronto. Peux-tu nous en dire plus sur la façon dont des occasions de financement comme celle-ci contribuent à la formation des stagiaires?

Stephanie Gill : J’ai reçu cette bourse trois fois, pour des stages à Winnipeg, à Calgary, et à Toronto. Ça nous aide vraiment à réaliser nos rêves parce que c’est important pour nous de faire des stages ailleurs ou d’acquérir de l’expérience ailleurs. Ça nous aide à décider de l’endroit où on veut suivre notre formation complémentaire, à voir comment ils font les choses dans différentes provinces ou différents centres. Bien sûr, les soins sont assez standards d’un bout à l’autre du pays, mais au moment de choisir l’endroit où faire notre formation complémentaire, le fait d’avoir cette expérience nous aide vraiment à déterminer comment on veut passer ces années très critiques de notre formation. Si par exemple on veut faire une formation complémentaire en gynéco-oncologie, il faut tout payer de notre poche, et on s’endette davantage pour y arriver. Alors une source de financement comme celle-là, de l’aide comme celle-là nous permet de réaliser notre projet avec un peu moins de stress. Chaque fois qu’on va faire un stage à l’extérieur, on doit payer nos vols d’avion, notre hébergement, la location d’une voiture, le stationnement ou le transport dans la province où on travaille, mais on doit en même temps payer toutes nos factures à la maison, alors ça peut être vraiment difficile sur le plan financier pour certaines personnes. Et pas seulement pour la gynéco-oncologie. Je sais que plusieurs étudiants ne font pas de stages à l’extérieur parce qu’ils n’en ont pas les moyens.

Tout le financement qu’on peut obtenir pendant notre résidence nous aide, surtout vers la fin, parce qu’après 8 à 9 ans d’études en médecine, les dettes s’accumulent. Je pense que ce genre de chose nous permet d’être un peu moins stressés à propos de l’aspect financier de l’atteinte de nos objectifs.

Et ça nous donne l’occasion d’explorer des aspects qu’on n’aurait peut-être pas envisagés avant. Pour ma part, j’ai fait 4 stages, et le fait d’avoir obtenu cette bourse quelques fois et de savoir que je pourrais la demander encore une fois m’a permis de décider que je voulais faire encore plus de stages, parce que je savais que je pouvais compter sur du soutien.

Q : Peux-tu nous parler un peu de ta première expérience en chirurgie à la faculté de médecine et des raisons pour lesquelles tu as décidé de te lancer dans la recherche sur le cancer?

Stephanie Gill : J’ai collaboré à différents programmes de recherche sur le cancer avant d’entrer à la faculté de médecine. J’ai travaillé comme coordonnatrice d’un projet de recherche et comme associée de recherche pour le cancer du sein. Mais à cette époque, je ne me sentais pas vraiment comme une épidémiologiste du cancer, j’aimais tout simplement le travail que je faisais. Quand je suis entrée à la faculté de médecine, j’avais l’intention de devenir médecin de famille. Je me disais que je ferais deux ans de médecine familiale, et que ça serait terminé. Et pendant mes études, il n’y a rien qui me passionnait vraiment, jusqu’à ce que je rencontre une gynéco-oncologue à l’extérieur de la faculté qui m’a proposé de venir l’observer en salle d’opération. Donc, ma première expérience d’observation en chirurgie spécialisée à la faculté de médecine a été celle d’une gynéco-oncologue. Je me souviens m’être dit en rentrant chez moi ce jour-là que c’était la plus belle journée de toute ma vie. C’était ça que je cherchais! J’avais commencé mes études avec l’intention de donner des soins de première ligne et de travailler avec des populations marginalisées. C’était mon objectif, c’était ce que je voulais faire. Puis j’ai vécu cette expérience et je me suis dit « Ohh, c’est ça que je veux faire. C’est ça qui va me motiver et me passionner. » Et je me suis sentie complètement vivante. Je me suis dit « J’ai trouvé ma voie! ».

Ensuite, j’ai hésité entre chirurgie générale et obstétrique et gynécologie, dans le but de devenir gynéco-oncologue. C’était mon objectif depuis le début de mes études en médecine, et beaucoup de gens ont pensé que c’était fou. Ils se disaient « Tu en as pour huit ans, et tu vas passer huit ans de résidence à faire ça?! » Et je me disais « Je pense que oui. C’est ça que je veux faire ». Et c’est pourquoi j’ai fini par choisir de faire une résidence en obstétrique et gynécologie pour atteindre mon objectif de me spécialiser en gynéco-oncologie. Je pense que ma situation est plutôt rare, puisque je connais plusieurs étudiants en médecine qui ne savent pas ce qu’ils veulent faire jusqu’à la toute fin. Mais c’est cette occasion en salle d’opération, puis l’aspect de santé des femmes qui m’ont encouragée à suivre cette voie. Et en ce qui concerne la recherche sur le cancer, j’avais déjà travaillé dans ce domaine auparavant, j’avais déjà fait une maîtrise, alors j’avais toujours su que la recherche ferait partie de ma carrière. Encore une fois, après avoir fait des stages en gynéco-oncologie et compris que cette spécialité faisait le pont entre la médecine, la chirurgie et la recherche, je me suis dit que c’était la solution parfaite pour concilier tous mes intérêts.

Q : Êtes-vous restées en contact?

Stephanie Gill : Oui, je suis toujours en contact avec elle. Je lui ai envoyé un message texte pour lui dire que je commençais ma formation complémentaire à Toronto, en juillet. Je lui ai dit où j’allais. Elle me suit d’assez près pour comprendre ma situation et où je m’en vais.

Q : La recherche est un pilier essentiel du travail de Cancer de l’ovaire Canada. Peux-tu expliquer, de ton point de vue de stagiaire, tes espoirs pour l’avenir de la recherche sur le cancer de l’ovaire?

Stephanie Gill : Depuis que j’ai commencé ma résidence, j’ai constaté d’énormes progrès dans le domaine du cancer de l’ovaire en général. À la faculté de médecine, on nous enseignait toujours que c’était une maladie mortelle, avec un pronostic très court. Mais depuis ce temps-là, de nombreux médicaments différents ont été mis en marché et les femmes vivent beaucoup plus longtemps avec la maladie. Je pense que ces progrès vont continuer. L’objectif va être d’améliorer la survie en général et de faire en sorte que ça ne soit plus une condamnation à mort. On va aussi miser sur une meilleure qualité de vie. Je pense qu’on va vouloir augmenter l’espérance de vie, bien sûr, mais en accordant une importance égale à la qualité de cette vie.

Q : Si tu avais un message à transmettre aux membres de la communauté du cancer de l’ovaire, de quoi s’agirait-il?

Stephanie Gill : Évidemment, c’est un diagnostic qui bouleverse une vie, mais elles doivent savoir qu’il y a des gens à diverses étapes de leur formation et de leur carrière qui sont déterminés à améliorer leurs soins et leur qualité de vie. Elles doivent continuer à espérer, simplement parce qu’ils sont là. On va continuer à susciter des changements et à rester forts. Vous savez, il y a des gens qui veulent continuer à améliorer les soins que vous recevez, c’est leur principale passion. J’espère qu’elles ne perdront pas espoir, ou qu’elles ne penseront jamais que les choses ne vont pas s’améliorer. J’espère qu’elles savent qu’il y aura toujours des gens qui désirent en faire plus pour elles.

Cancer de l’ovaire Canada favorise une collaboration approfondie entre des chercheurs scientifiques de l’ensemble du pays et obtient du financement afin d’attirer les meilleurs talents dans ce domaine. 

Aujourd’hui, grâce aux efforts de Cancer de l’ovaire Canada pour attirer les meilleurs talents dans ce domaine et fournir aux chercheurs les ressources dont ils ont besoin, la communauté canadienne de recherche sur le cancer de l’ovaire compte plus de 250 personnes et est en croissance.