Cancer de l’ovaire Canada compte sur une petite équipe de gens dévoués pour concrétiser sa vision : que de plus en plus de femmes puissent vivre pleinement, plus longtemps et en meilleure santé.

Si la progression de la recherche et l’amélioration des options de traitement pour les femmes ayant reçu un diagnostic ou à risque de cancer de l’ovaire constitue une priorité essentielle, il est tout aussi important d’étudier la prévention et d’informer les femmes au sujet de la maladie. Dans un blogue récent, Elisabeth Baugh, directrice générale, a partagé son point de vue sur la prévention du cancer de l’ovaire. Dans cet article, nous discutons de prévention avec Alicia Tone, conseillère scientifique chez Cancer de l’ovaire Canada.

 

Alicia Tone et son fils, Finnegan, profitent d'une belle journée (Meaford, Ontario).

Alicia Tone et son fils, Finnegan, profitent d'une belle journée (Meaford, Ontario).

Parlez-nous de vous. Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce domaine?

J’ai de l’expérience en recherche scientifique et j’œuvre dans le domaine du cancer de l’ovaire depuis 16 ans. Je m’intéresse à la science depuis que je suis toute petite et à la santé des femmes depuis mon adolescence. J’ai commencé à m’intéresser davantage au cancer quand mon grand-père est mort du cancer du côlon au début de mes études universitaires. J’ai fait mon doctorat à l’Université de Toronto, en Ontario, mon postdoctorat en Colombie-Britannique, et j’ai travaillé comme collaboratrice scientifique à la division de gynéco-oncologie du Centre du cancer Princess Margaret de Toronto pendant les sept dernières années. J’ai été attirée par le domaine du cancer de l’ovaire parce que, à l’époque, on en connaissait très peu sur sa biologie et qu’il y avait beaucoup de possibilités de faire des découvertes scientifiques.

Depuis combien de temps travaillez-vous avec Cancer de l’ovaire Canada?

Je collabore avec la directrice générale, Elisabeth Baugh, depuis 10 ans dans le cadre de notre conférence nationale bisannuelle sur le cancer de l’ovaire, où je participe à l’organisation d’une journée de formation pour les nouveaux stagiaires de recherche et cliniques. Cancer de l’ovaire Canada appuie également le programme de prévention du cancer de l’ovaire que je dirige au Centre du cancer Princess Margaret. J’ai commencé à travailler officiellement à titre de conseillère scientifique chez Cancer de l’ovaire Canada en mai dernier, et je suis très heureuse de faire partie de l’équipe.

Sur quoi concentrez-vous vos efforts jusqu’à maintenant?

J’étudie actuellement l’état de la science et de la pratique médicale au Canada en matière de prévention du cancer de l’ovaire. Je résume notamment les études scientifiques les plus pertinentes sur les facteurs qui influencent le risque de cancer de l’ovaire et les options pour réduire ou prévenir les risques, et je discute avec les conseillers génétiques et les chirurgiens gynécologiques qui soignent des femmes qui sont ou pourraient être à risque de développer un cancer de l’ovaire.

Ces données devraient aider Cancer de l’ovaire Canada à communiquer avec des femmes qui pourraient être à risque et identifier les lacunes à combler pour s’assurer qu’elles aient accès à des tests génétiques et à des options pour réduire leur risque dans toutes les régions du pays.

Que voulez-vous dire vraiment par prévention? Pouvez-vous donner des exemples?

La prévention signifie en fait prendre des mesures ou effectuer des interventions pour ne pas développer le cancer de l’ovaire. L’exemple le plus pertinent est une chirurgie gynécologique pour réduire les risques (ablation des ovaires et des trompes de Fallope) chez les femmes porteuses d’une mutation héréditaire des gènes BRCA1 ou BRCA2. Il existe aussi d’autres façons pour réduire le risque qui n’impliquent pas d’intervention chirurgicale (quels que soient les antécédents génétiques ou familiaux de risque), par exemple la prise de contraceptifs oraux.

Il s’agit de décisions importantes et de mesures sérieuses. Comment une femme peut-elle déterminer si c’est la bonne solution pour elle?

Si une femme craint être à risque de développer un cancer de l’ovaire en raison d’antécédents de cancer de l’ovaire ou du sein dans l’une ou l’autre de ses lignées familiales, la meilleure chose à faire, c’est de discuter avec un conseiller génétique.

Il lui expliquera son risque estimatif de développer un cancer de l’ovaire au cours de sa vie en fonction de ses antécédents familiaux, et lui indiquera si des tests génétiques pour une mutation des gènes BRCA1, BRCA2 ou d’autres gènes associés à un risque de cancer de l’ovaire sont appropriés pour elle et pour d’autres membres de sa famille.

Si on découvre une mutation qui augmente le risque de cancer de l’ovaire, le conseiller génétique lui présentera les recommandations en matière de réduction et de prévention du risque et, si c’est justifié en raison de l’âge de la femme et de son désir d’avoir des enfants, la dirigera vers un chirurgien gynécologique pour discuter de chirurgie prophylactique.

Existe-t-il des statistiques qui appuient le recours à la chirurgie préventive comme façon fiable ou garantie de réduire le risque de cancer de l’ovaire?

Oui, il existe plusieurs éléments qui prouvent que cette intervention est efficace et qui l’appuient*. Plusieurs études ont révélé une réduction de 80 à 98 % du risque de cancer de l’ovaire chez les femmes porteuses d’une mutation des gènes BRCA1/2 à la suite d’une chirurgie prophylactique. Le niveau de protection dépend de l’âge au moment de l’intervention et de la mutation génétique particulière.

Il est important de souligner que, même si on découvre un cancer précoce chez une femme au moment de la chirurgie prophylactique, son taux de survie sur cinq ans est supérieur à 90 %. La façon la plus efficace de réduire le risque sans intervention chirurgicale, c’est de prendre la pilule contraceptive, qui réduit le risque de 20 % pour chaque tranche de cinq ans.

La prévention ou la réduction du risque est la façon la plus efficace de changer le pronostic du cancer de l’ovaire, puisque le dépistage n’est pas efficace pour détecter la maladie à un stade précoce.

Qu’est-ce qui vous a le plus inspirée et motivée dans votre travail?

Ce qui m’inspire le plus, c’est la possibilité d’avoir de véritables répercussions dans la vie des femmes, au-delà des publications scientifiques. J’ai commencé à étudier les manifestations précoces du cancer de l’ovaire durant mes études de doctorat et j’ai pu constater l’évolution de notre compréhension collective du rôle des mutations génétiques et des autres facteurs liés à la reproduction dans la détermination du risque de cancer de l’ovaire. J’ai l’impression que j’ai enfin la possibilité d’utiliser tout ce que j’ai appris pour faire en sorte que les femmes de tout le pays puissent avoir accès à cette information pour se protéger et protéger les membres de leur famille contre cette maladie dévastatrice.

Qu’est-ce qui vous a étonnée?

J’ai été encouragée et étonnée par la volonté des conseillers génétiques et des chirurgiens de tout le pays de partager de l’information, et par l’infrastructure que plusieurs ont mis en place pour mieux répondre aux besoins des femmes qui pourraient être à risque. Ça m’encourage de voir que tout le monde s’investit vraiment pour offrir aux femmes la possibilité d’évaluer et de gérer leur risque, si elles décident de le faire.

Que voulez-vous que les gens retiennent au sujet de la prévention du cancer de l’ovaire?

Je vais citer une présentation de Mary-Claire King au Symposium BRCA tenu à Montréal en 2018. « Chaque patiente atteinte d’un cancer du sein ou de l’ovaire dont la mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 est dépistée après le diagnostic est une occasion manquée de prévenir un cancer. Aucune femme porteuse d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 ne devrait mourir d’un cancer du sein ou de l’ovaire. » C’est vraiment une citation inspirante (du moins pour le moment); elle m’a beaucoup interpellée et elle continue à me motiver.

*Voir : Impact of Oophorectomy on Cancer Incidence and Mortality in Women With a BRCA1 or BRCA2 Mutation. Publié par le Journal of Clinical Oncology®, An American Society of Clinical Oncology Journal, mai 2014.